Le mug de "Mireille"
Hier mercredi 18 décembre 2019 la boulangerie "Mireille" rue Vieille-du-Temple dans le troisième arrondissement a fermé. Pour célébrer quarante-et-un ans de plaisirs, Mathieu Garcia et sa sœur Stéphanie, qui avaient repris le commerce au décès de leur mère, ont offert à leur clientèle une fête gastronomique. La boulangerie ouverte était fermée au public, « C’est privé ! » criait Stéphanie aux inconnus qui essayaient d’entrer, ajoutant « J’ai toujours rêvé de dire ça ».
Étaient reçus les familiers, qui travaillent dans ce nord du Marais, y habitent, y reviennent par affection. Pour elles et eux, les rayonnages étaient remplis des délices habituels, cette fois disponibles gracieusement, « Servez-vous, servez-vous ! » proposait Mathieu. Un enfant a demandé « Est-ce que je peux avoir une sucette ? », Mathieu a tendu le présentoir, l’enfant en a pris une, Mathieu lui en a rempli les poches « Ça te fera des souvenirs, et moi ça me fait plaisir ! », l’enfant a répondu « J’pourrai jamais manger tout ça », Mathieu l’a rassuré « Tu prendras ton temps ». Un petit a demandé une framboise, Mathieu a proposé le seau, le petit en a pris une, Mathieu lui a saisi la main et conseillé « Prends-en une poignée, fais-toi plaisir » et le ravissement était dans les yeux du petit.
Pour les adultes attendaient des plateaux de pizzas et de quiches, de verrines d’œufs de poisson, de canapés au saumon fumé, de petits sandwiches au jambon, rillettes ou fromages ; le pain de mie et le pain au lait de Mireille, qui nous les rendra ?
Stéphanie avait cuit deux foies gras, Mathieu avait ouvert du champagne, leur père dans le laboratoire préparait sans cesse des petits-fours. J’ai visité l’appartement vide à l’étage, le laboratoire impeccable du rez-de-chaussée, au-dessus de deux étages de caves d’où partaient des souterrains vers la Bastille : le Paris que j’aime.
Flûte de bulles à la main, gourmandes et gourmands ont fait connaissance. Une dame a raconté : « J’habitais rue de Saintonge un quatrième étage sans ascenseur, mes voisins qui ne pouvaient monter les marches devaient partir en maison de retraite et ça me faisait peur. Une nuit j’ai rêvé qu’un petit appartement était à vendre dans un immeuble à Saint-Paul, au réveil je me souvenais lequel ; je me suis habillée, j’y suis allée, et là il y avait un ascenseur comme dans mon rêve. La concierge a dit qu’en effet un deux-pièces serait à vendre bientôt, elle me l’a montré, il était idéal, je l’ai acheté et j’y habite depuis quinze ans, mais je continuais à acheter mon pain chez Mireille, tout était si bon ». Chacune, chacun est reparti avec un mug et des douceurs.
Le soir, pendant que la ville bloquée résonnait de klaxons, Mireille a quitté le Marais, son bail n’a pas été renouvelé par le propriétaire, qui le lendemain commence à démolir. Pour nous autour de la rue de Bretagne, c’est le quatrième boulanger qui disparaît en une vingtaine d’années. Pour les touristes ce sera une boutique à la mode supplémentaire.
Patrice F. Roy
Commentaires
10 réponses à “Hommage à « Mireille » et à ses gérants par un habitant du Haut-Marais qui se désole de la fermeture de cette boulangerie !”
Conte très émouvant qui malheureusement est une réalité.
Nous les enterrons tous les uns derrière les autres ces petits artisans, petits commerçants qui aimaient leurs métiers et leurs clients. Et pour le coup, le pain était quand même meilleur avant, de leur temps…
C’était une belle, bonne et sympathique boulangerie. Quel dommage.
Les touristes viennent en France précisément en partie pour la réputation et le plaisir de nos boulangeries traditionnelles uniques au monde : l’odeur de la baguette fraîche, du croissant et de nos fameux pains au chocolat. Inimitables – Continuons à tuer la poule aux œufs d’or …
Quel joli compliment pour cette boulangère !
La même chose s’était produite voilà de nombreuses années pour une boulangerie pâtisserie rue du Roi de Sicile ! Les services de l’Hygiène reprochait un manque de protection des fameux gâteaux et pains vendus dans la boutique !!!! Ils étaient si bons et pas chers qu’ils ne restaient pas longtemps dans les présentoirs !
Des travaux énormes étaient exigés !
Conséquences les 3 sœurs qui avaient repris
L’affaire familiale avaient très vite vendu leur immeuble et de fait leurvboulangerie pâtisserie
Quel malheur pour la rue !!!!
Et pour les habitants du quartier !!!
La remarque finale sur les touristes est très déplacée. D’autant plus que les touristes sont très demandeurs de patisseries françaises.
Même disparition il y a quelques années 31 rue vieille du temple , « Au Bon Beurre » disparaissait et laissait la place à « Lacoste » autres temps hélas
La pâtisserie rue vieille du temple s’appelait « Tout au beurre ».
J’aimais aussi beaucoup les gâteaux de la pâtisserie de M. Paumier, rue des francs bourgeois en face de l’église des Blancs -manteaux
C’est triste, l’hécatombe continue. Il y a moins de 3 mois à 100m de là c’est la boulangerie située en haut de la rue du Pont au choux qui disparaissait.
Les commerces de bouche sont victimes des loyers délirants du quartier et ne peuvent suivre. Les rares nouveaux commerces de bouche du quartier viennent confirmer cette tendance: soit des enseignes avec des reins solides soit la vente de produits de luxe qui margent beaucoup.
Le cas des récentes implantations de la rue de Bretagne est assez représentative à cet égard : Pierre Hermé, Laduré, Bellota-Bellota, Maison du chocolat, Jean-Paul Hévin…
Mireille Mme Garcia paix à son âme. boulangerie familiale je profite dé l’occasion pour passer le bjr à Stéphanie et Mathieu et leur papa Vincent quelle bonne ambiance il y avait