Vivre le Marais, Vivre Paris Centre !

Chronique de la vie au cœur et autour du centre historique de Paris

Archives



Liens utiles

Liens que j’ai trouvés utiles et que je voulais partager.


Rechercher sur ce site

L’Obs et « Le Parisien » s’interrogent sur la baisse de la démographie à Paris : notre analyse pour le centre historique….

Paris vue générale seineParis, le pont Saint-Michel, les Invalides, la Tour Eiffel…

 

 

Sous la plume de Mathilde Goupil, l'Obs du 27 décembre nous a livré une analyse de la démographie de Paris. Le magazine "Le Point" et le quotidien "Le Parisien" ont fait de même, comme si l'information qui vient de tomber de l'INSEE était d'une importance capitale.

Que dit l'INSEE ? Tout bonnement que Paris affiche une baisse de 1,8 % du nombre de ses habitants entre 2010 et 2015 et que nos arrondissements centraux sont plus concernés que d'autres. La façon dont cette information est choisie, présentée et commentée, comme c'est le cas trop souvent avec les médias, traduit sans le dire l'opinion de la journaliste. Quand elle écrit : "Pourquoi les parisiens fuient Paris ?" elle sous-entend qu'ils s'en éloignent comme s'il y avait la peste…

La tonalité est la même chez ses confrères. Il y a dans cette profession, que nous estimons tous pourtant, une tendance marquée au "panurgisme". On a le sentiment que le besoin pressant de boucler l'édition chaque jour pousse ceux qui produisent l’information, et conditionnent l'opinion, à rester au voisinage d'un consensus général qui se construit jour après jour autour des thèmes de l'actualité, suivant un processus qui doit beaucoup à l'intoxication.

Ainsi, on sent depuis quelques temps qu'il est de bon ton d'accabler la Maire de Paris Anne Hidalgo. Il y a sans doute des raisons objectives de le faire et nous-mêmes ne nous en privons pas. Mais sous-entendre, car c'est bien de cela qu'il s'agit, que les parisiens "fuient Paris" parce que tout va mal à Paris, c'est aller trop loin !

On pourrait, si cette tendance au Hidalgo-bashing n'était pas si pressante, procéder à une analyse objective de l'information. Ainsi, demandons nous d'abord pourquoi la baisse de la population ne serait pas au contraire un bienfait à porter au crédit de Paris ?

Notre ville est la plus dense d'Europe avec 21.000 hab/km² environ. Elle manque de respiration et on en souffre beaucoup dans les épisodes de forte pollution. A cette observation, s'ajoute le fait qu'elle est la plus visitée au monde. Sur la base de 40 millions de visiteurs par an qui y séjournent entre 4 et 5 nuitées, ce sont 490.000 personnes qui séjournent chaque jour à Paris et s'ajoutent à sa population, dans les lieux publics, les transports en commun….

 

TrocaTouristes sur l'esplanade du Trocadéro

 

Il faut réaliser de plus que ces visiteurs ne se retrouvent pas disséminés dans Paris. ils se concentrent sur les sites attractifs, notamment le centre historique (Marais, les Îles, Beaubourg), Montmartre ou le Trocadéro.

Madame Hidalgo n'a aucune responsabilité face à cette réalité. Ce que nous pouvons lui reprocher, c'est de la voir comme une tendance qu'il faut inverser en augmentant l'attractivité de Paris. De là des "Gay Games" en 2018, le maintien de Roland Garros au détriment des serres d'Auteuil, les JO de 2024, l'Exposition Universelle en 2025…

Il faut en particulier qu'elle cesse de raisonner sur un Paris intramuros. Le Paris d'aujourd'hui, c'est la "métropole du Grand Paris", qui englobe la petite couronne (Hauts de Seine, Seine Saint-Denis, Val de Marne) et ses 7 millions d'habitants. A ce niveau-là, il n'y a pas de baisse de la population mais une hausse de 31.000 habitants par an. Tout au contraire, c'est une restructuration rationnelle du territoire qui se met en place avec des entreprises qui se déportent hors des murs de Paris (*) et des habitants qui vont vers elles pour tirer profit de logements plus grands et moins chers et de temps de transports plus courts.

PwcSiège social d'entreprise implanté dans la verdure en dehors des murs de Paris (Alamy)

 

Pendant ce temps, le centre historique et les sites remarquables assistent relativement impuissants à une évolution de leur habitat. On constate par exemple depuis quelques mois, à la lecture du bulletin municipal officiel (BMO) de la Ville de Paris, une reconversion de locaux commerciaux en résidences hôtelières. On s'est plaint dans le passé de vivre dans le IIIe au milieu d'ateliers et d'entrepôts de stockage de marchandises (inflammables). Ces activités sont en voie de disparition mais la nature ayant horreur du vide quelques espaces libérés vont servir de substituts aux appartements Airbnb qui sont par ailleurs justement décriés par la population des résidents et sévèrement réglementés par les élus de l'Hôtel de Ville.

Le plus difficile sera de trouver un équilibre entre la nécessité de conserver de vrais habitants dans les quartiers concernés, qui alimenteront un vrai commerce de détail, et d'accepter la cohabitation avec des touristes. La plupart de nos immeubles du centre sont enregistrés sous le statut d'habitation. La mairie de Paris n'accepte pratiquement pas leur reconversion en "commercial" et la location saisonnière, qui est une activité de nature commerciale, est sérieusement bridée en milieu "habitation". Il y a donc une limitation naturelle à l'expansion de ce nouveau business.

De ce point de vue, la création de logements sociaux au cœur de ces secteurs sensibles, qui apportera du sang neuf à la population, sera un facteur d'équilibrage entre résidents et touristes. On peut s'en réjouir pour autant qu'elle ne soit pas financée par l'impôt et/ou par la dette, ce que les classes moyennes craignent fortement. A l'opposé, ce fragile équilibre serait mis à mal si on abandonnait certains de nos quartiers à la fête et à l'agitation nocturne. On considère d'ailleurs que ces dérives sont à l'origine du différentiel de baisse de la population entre le IIIe et le IVe arrondissements (2,8 vs  1,7 %).

 

Montorgueil terrasseTerrasse et benne à ordures rue Montorgueil (IIe)

 

De la même manière, il faut être d'une extrême prudence quant à la piétonisation des rues en constatant que le record de baisse du nombre d'habitants est enregistré dans le IIe (9,5 %) où les rues Montorgueil et Saint-Denis sont sympathiques sans doute mais invivables.

On peut donc raisonnablement penser que le déficit démographique va se maintenir un temps tandis que progressera vers une asymptote le nombre des logements dédiés à l'hôtellerie (dont les clients n'apparaissent pas dans les statistiques de population). Il est probable que la somme des deux, loin de décroitre, ira modérément crescendo et c'est bien son évolution et la distribution de ses composantes qu'il faudra suivre avec attention car de leur maitrise dépendra la qualité de vie des habitants.

En conclusion, que les commentateurs se calment, il n'y pas la peste à Paris (malgré la présence de rats) et la démographie du Grand Paris est tout à fait vivace !

Gérard Simonet

 

(*) Il est intéressant de relever que les quatre grands internationaux de l'expertise comptable et financière : KPMG, Deloitte et Touche, Ernst & Young et Price Waterhouse Coopers sont principalement implantés dans la petite couronne

 


Commentaires

11 réponses à “L’Obs et « Le Parisien » s’interrogent sur la baisse de la démographie à Paris : notre analyse pour le centre historique….”
  1. Merci pour cet article qui permet de mettre les pendules à l’heure comme il se doit.
    Les connaissances élémentaires se perdent en matière de maniement des statistiques
    Avec ironie, feu Alfred Sauvy, Président de l’Institut national d’études démographiques disait pince sans rire: « les chiffres ne parlent que sous la torture »
    Oui, une baisse dans un périmètre donné peut être le signe d’une hausse dans un espace plus important qui englobe le premier: Paris intra muros /Grand Paris
    Oui, une diminution moyenne peut recouvrir des disparités importantes: quartiers historiques/autres quartiers ; zones festives décourageant les habitants/ quartiers demeurant résidentiels
    Oui, une diminution statistique peut n’être qu’apparente si l’on ne prend en compte qu’une partie des habitants pour analyser l’évolution de leur nombre: français autochtones/ touristes de toutes nationalités
    Tout cela a l’air bien banal et bien non car l’auteur relève avec pertinence à quel point des journaux ou périodiques centrés sur le quotidien ou l’hebdomadaire semblent perdus dès qu’il s doivent analyser un phénomène étudié sur plusieurs années, en oubliant de regarder de près les hypothèses et la nature des données
    Oui, la leçon de cette histoire c’est que nos journalistes amateurs de statistiques se perdent facilement dans un verre de chiffres et que nos édiles ont vite fait d’engloutir le même verre en assurant qu’il donne soif au lieu de désaltérer, en proposant des solutions de facilité qui vont à l’encontre de ce qu’il faudrait faire pour rééquilibrer la situation.
    Merci à Vivre le Marais en cette veille de fête de nous montrer comment tout est facile à comprendre quand on confronte les chiffres recensés à la réalité du terrain bien observé : la somme des deux permet d’y voir clair
    MERCI et encore MERCI

  2. Avatar de Hugues L.

    Qui a dit : les statistiques c’est comme la minijupe, ça cache l’essentiel mais ça donne des idées.
    S’agissant des journaleux, quand le sage leur montre la lune, ils ne voient que le doigt (Lao Tseu, ou un autre)

  3. Avatar de Jean-René

    Je n’ai jamais vraiment assimilé, ni compris pourquoi une Maire de Paris et une Présidente du Conseil Régional englobant Paris? N’y-a-t-il pas doublon et duplication des frais/impôts pour tous ces habitantes/ts?

  4. Je suis d’accord avec la phrase de TMH :  » nos journalistes amateurs de statistiques se perdent facilement dans un verre de chiffres « . L’incompétence en matière de statistiques de la quasi-totalité des journalistes, y compris ceux du « Monde », qui s’autoproclame pourtant « quotidien de référence », est insondable.
    Les chiffres du recensement sont à analyser avec précaution :
    – dans les agglomérations de plus de 10.000 habitants, donc à Paris, ils ne sont établis, depuis 2004, que par un sondage étalé sur 5 ans, portant sur 8 % x 5 ans = 40 % de la population :
    – le recensement « oublie » beaucoup de monde et,inversement, recense parfois la même personne à deux endroits différents.
    Au total, l’Insee avoue (très discrètement) une marge d’erreur de 2 % (davantage à une échelle locale),probablement sous-estimée. C’est au moins autant que les variations constatées, dans le cas de Paris et en particulier des 3e et 4e arrondissements. Pire, cette erreur a varié dans le passé d’un recensement à un autre en fonction des conditions de son exécution : l’établissement des écarts entre deux recensements est donc encore plus incertaine.
    Si ces chiffres ne sont donc pas significatifs et qu’il ne sert à rien de gloser sur leur évolution récente, il n’en reste pas moins que le cœur des grandes agglomérations, et en particulier celui de Paris, perd des habitants depuis des décennies (Paris avait 2,8 millions d’habitants dans les années 1950, soit un tiers de plus qu’aujourd’hui, même si cette baisse semble enrayée depuis la fin des années 1970); L’hypercentre (le Marais en particulier) a connu une chute de population encore plus importante car sa densité de population était plus élevée. même si celle-ci semble désormais très ralentie, voire enrayée (difficile à dire, cf. incertitude statistique évoquée ci-dessus).
    Sur le fond, cette chute de la population des grands centres urbains est due avant tout à la diminution continue de la taille moyenne des ménages (pour la France, de 3,10 en 1962 à 2,25 aujourd’hui et même de 2,35 à 1,85 Paris), qui va de pair avec une surface moyenne des logements en forte augmentation : à Paris en moyenne de 2,3 à 2,6 pièces, au reste plus vastes). La construction de nouveaux logements (diminuée des démolitions et des changements d’usage)ne compense pas cette baisse de la taille des ménages.
    Tout le reste n’est que commentaires de journalistes incompétents.
    Pierre MERLIN

  5. Tant mieux si la population diminue à Paris !

  6. Si je vous ai bien suivi on crée du logement social hors de prix (de revient) dans le centre de Paris alors que les entreprises se déportent vers la périphérie. Curieuse façon d’optimiser les transports !

  7. Sur comment se vident les centres urbains pourtant célébrissimes, j’ai quelques éléments de constatations à donner, en opposition totale avec ce que l’on nous vend comme remèdes miraculeux mais je ne sais comment converser hors facebook

  8. Cher Bouyssy,
    Faites nous profiter de votre savoir. Vous pouvez laisser un commentaire même long, ou nous envoyer un mail, ou retrouver « Vivre le Marais ! » sur Facebook

  9. Avatar de CatherineII
    CatherineII

    Certaines villes ont déjà essayé des solutions qui pourraient-être les bonnes: faire cohabiter, dans les immeubles de logements sociaux, les seniors (qui restent ainsi autonomes ou vivent dans des appartements partagés) et les familles, ainsi que les jeunes.
    Briser la solitude, favoriser l’échange.
    Intégrer à ces endroits des crèches/écoles, des commerces de proximité et des clubs/lieux de rencontre/ médiathèques/ salles de sport.
    Ca marche (en Bretagne, Belgique….)!
    Mais, mais, il faut investir et se donner un peu de mal. Pas réduire les subventions aux associations comme on le fait actuellement et juste construire.
    Le choix est: veut-on être au service des habitants ou des entreprises qui cherchent à développer leur CA (grands groupes du luxe à Paris)?
    Privilégier ces entreprises était compréhensible quand leur développement profitait à leur pays d’origine, mais là,de quoi parle-t-on? de miettes de leur croissance, le reste se perdant dans de sombres paradis.
    Peut-être serait-il temps de limiter nos largesses (la Bourse de commerce-Pinault, la Fondation Vuitton qui nous ont malgré les promesses, coûté très cher, le quartier de la Samaritaine,des Halles, j’en passe …))et de favoriser d’autres formes d’activité: quid des entreprises de développement durable/recyclage/recherche qui devraient se développer de façon exponentielle maintenant et créer des emplois pour tous?
    Le monde change, a besoin de s’adapter, et notre Ville aurait du être un laboratoire de l’innovation à tous les niveaux ( pas qu’en intention), pas seulement un lieu touristique.
    Nous sommes tellement en retard à Paris, malgré les intentions affichées, on le voit tellement quand on voyage un peu!
    C’est tout un état d’esprit à acquérir.

  10. Avatar de CatherineII
    CatherineII

    Notre (non)-choix en matière de développement a été de laisser partir nos chercheurs, donc nos brevets (c’est très concret): on se rendra compte bientôt que c’est désastreux même si c’est moins médiatique et exploitable immédiatement que l’accueil des touristes,et nous sommes maintenant en situation d’urgence.
    Paris, avec ses universités scientifiques prestigieuses, aurait pu, du être un labo de l’avenir. Ce ne sont pas les start-up de services qu’on subventionne actuellement, qui pourront changer la donne, mais celles de bio-technologie, de technologies innovantes ou d’IA qui partent!
    Et là, on avait de solides atouts.
    Le tourisme et le luxe ne sont que des pis-aller.
    En un mot, il aurait fallu investir sur l’intelligence, et à Paris, ça n’a pas semblé la priorité.Demandez à nos chercheurs!

  11. Avatar de vu de sirius
    vu de sirius

    Il faut savoir que nos « chers dirigeants » , avec leur folie du Grand Paris, projettent une vaste conurbation en Ile-de-France qui atteindrait 25 millions d’habitants à terme, pour « rivaliser avec les grandes métropoles asiatiques « [sic](à ce degré de mégalomanie, c’est sans espoir…). Dans ce contexte, la (très relative) baisse démographique pour les 100 km2 de Paris intra-muros, c’est « l’arbre qui cache la forêt »…

Répondre à TMH Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *