Symbole des locations saisonnières : les touristes et leurs valises à roulettes (Photo VlM)
Le Parisien d'aujourd'hui 3 janvier 2017, dans un article fouillé de Philippe Baverel et Marie-Anne Gairaud, nous présente les statistiques INSEE pour 2016 qui concernent la population de Paris et son évolution de 2009 à 2014. La baisse est de 6 pour mille. Autant dire qu'elle est globalement stable, avec de faibles fluctuations spatiales toutefois entre arrondissements. Ceux du centre sont les plus affectés par la baisse relative : 1% pour le IVe, tout comme les 1er et IIe, alors que le IIIe résiste avec une baisse de seulement 3 pour mille.
Ces chiffres ne sont pas cohérents avec la politique de densification qui est conduite depuis 2008 à Paris. Où est l'erreur ? Le Maire du IIIe Pierre Aidenbaum l'a bien identifiée : "les effets de la location saisonnière se font aussi sentir au cœur du Marais. Beaucoup de propriétaires de studios et deux-pièces louent désormais via Airbnb car ils disent avoir moins de problèmes de paiement ».
Ayons le courage de le dire autrement : la location ordinaire est devenue si risquée (non-paiement des loyers, impossibilité de récupérer le bien …) et la taxation si lourde que les propriétaires s'en éloignent au profit de la location meublée touristique. On murmure même que certains bénéficiaires de logements de la Ville dont c'est la résidence secondaire de facto sinon de jure ont recours discrètement à cette activité juteuse.
La réalité de la situation se dissimule derrière le fait que ceux qui habitent ces logements ne figurent pas dans les statistiques de l'INSEE. Ils n'en sont pas moins présents à Paris et singulièrement dans le centre qui reçoit des dizaines de millions de visiteurs chaque année.
Faut-il s'en préoccuper ? Paris étant la ville la plus dense d'Europe en dépit de l'effritement de sa population officielle et sachant qu'elle est dans le monde la plus visitée avec quelque 60 millions de touristes par an qui génèrent, sur la base de 4 nuitées par personne, 530.000 individus supplémentaires présents dans la ville, en progression constante dans le temps, il n'y a pas péril en la demeure !
L'attitude qui nous semble raisonnable est de cesser la densification à tout prix. A tout prix car la production de logements neufs étant virtuellement impossible, l'Hôtel de Ville procède à des transformations coûteuses de bâtiments inadaptés dont la location restera structurellement déficitaire et fait payer la note, via un accroissement de la dette (pour le moment), aux parisiens moyens qui ne bénéficient d'aucune faveur publique.
La réplique de la Mairie de Paris à l'explosion des locations touristiques nous semble en revanche justifiée dans la mesure où elle s'applique à réglementer une activité qui prospère actuellement dans un épais brouillard. Chacun a le droit de se livrer au commerce qu'il choisit, pour autant qu'il l'exerce dans la transparence et en respecte le cadre administratif et fiscal. De ce point de vue, la nouvelle loi sur l'économie numérique, qui fait obligation aux plateformes de déclarer les revenus des loueurs (comme c'est le cas pour les salaires, pensions et revenus financiers) introduit une justice qui faisait jusqu'à présent défaut.
Gérard Simonet
Commentaires
13 réponses à “Érosion de la population parisienne : les vraies raisons.”
Merci pour cette analyse fine et instructive.
Dans tout ce qui se rapporte à la construction et aux aménagements immobiliers, on a l’impression que la maire de Paris est trop occupée à laisser sa marque sur Paris pour se préoccuper des retombées sociales.
On fait pas ou on ne sort pas les statistiques de ceux qui quittent Paris parce que trop cher, pas accueillant pour les familles, pas « dormable » et finalement pas sympa à vivre au quotidien. On devrait.
La vraie vie ne rentre pas dans une carte postale.
Tant que nous aurons des dirigeants qui essaient de corriger les effets pervers de lois ouvertement anti-propriétaires (rendant la location libre bien trop risquée et financièrement sans intérêt) par la seule coercition (taxe sur les logements vacants, taxe sur les logements secondaires), il ne pourra pas y avoir de solution équilibrée et pérenne.
D’accord avec Quentin (je suis aussi de la famille Ralebol). Pourquoi n’analyse-t-on pas les raisons des départs ? Un maire n’a-t-il pas pour 1er devoir de rendre sa ville vivable pour ses concitoyens, plutôt que juteuse pour certaines catégories, comme le lobby des bars ?
Vous avez raison de souligner que le chiffre officiel de population de Paris (ou d’ailleurs) doit être « pris avec des pincettes ». Il y a de nombreuses sources d’erreur, le plus souvent par omission dans le cas de Paris : SDF, immigrants clandestins, personnes absentes de leur domicile lors du recensement, personnes qui se font volontairement recenser à l’adresse de leur résidence secondaire, omissions diverses par les agents recenseurs. L’INSEE reconnaît une marge d’erreur de 2%, donc supérieures aux variations d’une année sur l’autre. En réalité, cette marge d’erreur est, dans le cas de Paris, plutôt de 5 % : les gens de l’INSEE sont furieux quand on évoque ce chiffre, pourtant très probable, comme l’ont montré, lors de recensements passés (celui de 1982 notamment) les polémiques entre la ville de Paris et l’INSEE.
Quant au paradoxe apparent de l’augmentation du nombre de logements et la stagnation du chiffre de population, il a longtemps tenu à la diminution de la taille des ménages (à Paris 2,4 en 1946,à peine 1,9 depuis 1982) liée à la baisse de la fécondité des ménages, au départ vers la banlieue des jeunes ménages avec enfants (en raison notamment du coût du logement à Paris), à la multiplication des personnes isolées à la suite de la montée des divorces et des séparations, de l’augmentation du nombre de personnes âgées vivant seules. Depuis une génération environ, la taille moyenne des ménages est stable et la stagnation de la population, malgré l’augmentation du parc de logements est due pour l’essentiel à la multiplication, dans Paris, des résidences secondaires (pieds à terre de provinciaux ou d’étrangers : 100.000 environ) et des logements vacants (un peu plus de 100.000, soit ensemble plus de 15 % des logements). Les locations touristiques de logements vont dans le même sens.
La « densification » de Paris est donc « volumétrique », mais pas démographique.
Je sais gré à Pierre Merlin de donner du corps à ma tribune sur le logement et la démographie à Paris, en publiant ce commentaire dont je partage totalement le contenu. Pour ceux qui ne le connaitraient pas, Pierre Merlin est ingénieur géographe, urbaniste, expert-démographe, statisticien-actuaire. Il a présidé l’Université de Paris VIII-Vincennes (Wikipédia). Il est un membre éminent de notre association.
Quand on succombe à la tentation de Venise comme l’a fait la municipalité on en obtient le même résultat. On substitue à la population enracinée, des passants qui viennent chercher un rêve de carte postale dans un décor peuplé des fantômes du passé
La vérité est qu’en France les lois sont tellement pro-locataires (le propriétaire est toujours vu comme méchant nanti égoïste, le mentalités n’évoluent pas), avec tous les abus qui en découlent, que le marché de la location traditionnelle dégringole.
Penser au scandale que constitue la loi Dallo de 2007, où face à des squatteurs un propriétaire pourrait, chez lui, se voir opposer la violation de domicile ! On croit rêver.
Penser qu’une procédure pour expulser un locataire qui ne paye plus les loyers peut prendre plusieurs années. Il n’y a qu’en France qu’une telle situation peut exister et prospérer.
Tout l’échec de la politique de la ville dans ces chiffres et tous ces commentaires. tout est fait pour rendre la location « normale » difficile , trop risqué, trop couteux, trop taxé, locataires protégé sans compter les frais d’entretien de la copropriété.
Il devient de plus en plus difficile de vivre « normalement » en ville, problèmes d’insalubrité, d’insécurité, d’incivilité, impossible de dormir … en forte croissance sans parler de la multiplication de zones de non droit !
que reste-t-il donc ? sinon à tenter de louer en saisonnier pour couvrir les charges et taxes diverses…
Amusant de voir que la mairie se dote d’ une brigade chargée de vérifier la légalité des locations mises en ligne sur la plateforme, d’équipes de contrôleurs effectuant des visites aléatoires. La pour récupérer des pépettes et pouvoir mettre en place des amendes on met du monde. Par contre quand il s’agit de faire respecter l’ordre public, de faire cesser les traffics de stupéfiants ou la violence… comme par hasard, tout de suite il y a moins de moyen ! et surtout on n’en parle beaucoup moins ! les vilains qui louent en Airbnb.. bouhhh.. en revanche, ceux qui cassent, qui insultent quotidiennement, qui violentent les passant, qui urinent et font leurs besoins partout,
comme par hasard on en parle beaucoup moins.
Et vous vous étonnez que les gens cherchent une vie « normale » ?
Ajoutez à cela le plafonnement des loyers (une mesure digne des derniers pays communistes et une atteinte évidente au droit de propriété) et l’on comprendra très facilement pourquoi les propriétaires fuient la location classique et privilégient la location saisonnière type AirBnB.
Tant pis si le législateur préfère continuer à faire dans l’idéologie. On voit les résultats.
Patrick,
Vous avez parfaitement résumé la situation.
C’est exactement ça.
D’autant que pour avoir vu cette brigade à l’oeuvre dans mon immeuble j’ai été particulièrement choqué par leur façon de faire, puisqu’ils comptent sur les habitants pour dénoncer leurs voisins : absolument honteux.
Effectivement pour s’attaquer à ceux qui nous pourrissent la vie au quotidien, la ville ne fait strictement rien.
Les seuls délinquants pour la Mairie sont : les vilains propriétaires, les vilains automobilistes, les vilains riverains qui veulent dormir…
Nous demandons à « Eric » d’être plus objectif dans ses propos que nous avons publiés néanmoins par souci de liberté d’expression : la mairie ne demande pas de dénoncer ses voisins mais de l’aider à mettre un terme à une activité marchande illicite dont l’auteur est généralement extérieur à l’immeuble concerné. Il est vrai par contre qu’elle se préoccupe peu ou pas de riverains qui veulent dormir. Nous le disons assez souvent en critiquant la démarche d’un « conseil de la nuit » au service des industriels de la nuit et de la boisson. S’agissant des automobilistes, la méthode est sans doute brutale mais il y a péril pour notre santé et singulièrement celle des plus fragiles d’entre nous.
et c’est pas fini
Je fais partie, malheureusement et contre mon gré de la famille Ralebol, car mon appartement autrefois très tranquille et dans lequel je vivais les fenêtres ouvertes est devenu la cible de toutes les nuisances sonores possibles. Il y est bien évidemment impossible de faire une activité paisible comme de lire un livre, et il y est devenu impossible d’avoir un sommeil réparateur.
J’ai tenté de le vendre mais cela est impossible car ce local n’a plus les caractéristiques d’un logement à proprement dit, et la mairie de Paris qui protège les habitats et non les habitants, demande une telle compensation pour sa transformation en local commercial, qu’il n’est pas possible non plus de faire ce changement.
Si bien qu’ayant perdu mon lieu de vie ainsi que mon patrimoine il ne me reste pas beaucoup de solution ……….
Je trouve Eric parfaitement objectif. Il exprime son opinion que je partage: ‘il y a trop d’idéologie dans tout ça ».