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L’architecte de la résidence « La Perle » s’exprime sur le projet d’abattage des arbres du jardin Thorigny (IIIe)

P1020340Michel Autheman, architecte à l'origine de la maison de retraite de la Perle (dite Madeleine Béjart) et du jardin attenant rue de Thorigny (Photo AMF)

 

Rappelons que la mairie du IIIe a le projet d’ouvrir au public le jardin de la maison de retraite Madeleine Béjart, 2 rue de la Perle (IIIe). La transformation qui en découle entraînerait l’abattage des cinq grands érables qui jouxtent le musée Picasso et leur remplacement par des arbustes. Des habitants du quartier, regroupés dans "le collectif Thorigny" (LCT), lié à "Vivre le Marais !", ont lancé une pétition sur http://www.petitionpublique.fr/ pour manifester leur opposition à l’abattage brutal de ces grands arbres en bonne santé du Marais…

Pour enrichir le débat, les riverains ont rencontré Michel Autheman, concepteur de la maison de retraite et du jardin actuel, qui n'a cependant pas été consulté pour ce projet de jardin. 

Michel Autheman est familier du Marais. Il a d’abord été l’architecte du 1er secteur central, couvrant 9 hectares dans sa partie la plus historique, qui a mis en évidence entre 1963 et 1965 les bâtiments à conserver, les jardins à restituer, les voies de circulation piétonnes et les parkings. Il fut ensuite, au début des années 70, architecte du secteur opérationnel de l’ilot du IIIe délimité par les rues des Francs Bourgeois, Payenne, Parc Royal et Elzévir. Il eut en charge l’extension de ce secteur avec la Place de Thorigny, la rue de la Perle et la réalisation de la maison de retraite.

Compte-rendu de son interview :

LCT : Michel Autheman, vous avez participé pendant de nombreuses années à la rénovation du Marais et vous avez laissé dans le quartier de nombreux témoignages de vos interventions. Parmi celles-ci, la résidence de la Perle, rebaptisée Madeleine Béjart, est parfois critiquée à cause du décrochement du bâtiment sur la rue de la Perle. Pourquoi ne pas avoir suivi l’alignement de la rue de la Perle ?

MA : C’est le point qui a été le plus débattu, et ceci dès l’origine. Nous avons rétréci la rue de la Perle au droit de l'hôtel Libéral Bruant (ex musée Bricard, musée de la serrurerie – NDLR), dans un double but, identité de largeur entre la rue de la Perle et celle du Parc Royal, et création de la place de Thorigny. Si, en sortant de la rue du Parc Royal, on avait débouché sur la large rue de la Perle, cela aurait moins bien fonctionné.

Perle 1 hôtel musée bricardL'ex musée Bricard, œuvre de Libéral Bruant. Vue depuis la maison de retraite (Photo VlM)

 

LCT : Quelles sont les autres options qui ont été prises pour cette maison de retraite ?

MH : Ce qui était essentiel c’était d’obtenir une conformité des volumes, des hauteurs et des alignements de la résidence avec ceux de l'hôtel Libéral Bruant. Il fallait absolument aussi affirmer l’alignement du nouveau bâtiment sur l’hôtel Salé. C’est la raison pour laquelle nous avons planté des arbres d’alignement le long de la rue de Thorigny.

LCT : Vous voulez dire que l’alignement d’arbres a été décidé avant le jardin ?

MH : L’alignement d’arbres et le jardin font partie du projet architectural d’ensemble.

LCT : Quelles ont été vos idées pour ce jardin, pourquoi l’avoir un peu encaissé ?

MH : Le caractère de ce jardin se voulait proche du béguinage, petit jardin urbain et historique installé au pied de grands arbres dont le rôle majeur était, outre la valeur d'ombrage, très importante pour des personnes âgées, la nécessité d'affirmer une nouvelle trame verte dans la rénovation du Marais.  Elle s’est poursuivie rue de la Perle. D'une façon générale, ce petit jardin, lien entre deux architectures, devient lui-même ainsi un paysage architecturé conforme à l'histoire du quartier.

Les différents alignements de murettes qui le composent, toutes parallèles au grand mur de l'hôtel Salé, assurent le lien et une continuité visuelle entre le bâti ancien – immeubles classés de la rue de Thorigny et de la rue de la Perle -  et le nouveau.

J’ajouterai que les trois jardins du quartier, Thorigny, George Cain et Louis Achille ont chacun leur marque propre :

  • le premier est un jardin architecturé s'appuyant sur le grand mur de l'hôtel Salé le long de la rue de Thorigny
  • le second s'inscrit autour d'un centre en creux avec une fontaine
  • le troisième est une surélévation sur la rue du Parc Royal.

Georges cain vue généraleLe jardin Georges Cain, rue Payenne (photo VlM)

 

Ces trois jardins urbains sont complémentaires car ils sont construits chacun en fonction du ou des monuments dont ils dépendent. Ils offrent charme et romantisme.

LCT : Alors, il ne faut rien changer au jardin de la rue de Thorigny ?

MH : Pas du tout ! On peut toujours améliorer les choses ! Et l’ouverture au public du jardin est probablement l’occasion de le faire.

LCT : Vous voulez faire un contre-projet ? 

MH : Il n’en est pas question. Ce serait faire injure aux architectes talentueux d’aujourd’hui et aux services de la Ville de Paris. Mais quand on entreprend ce genre de modification, il est important de bien s’imprégner de l’historique des choses. En l’occurrence, il ne faut pas perdre de vue qu’on est rue de Thorigny,  ne pas ignorer la présence et l'orientation du grand mur de l'hôtel Salé perpendiculaire à la rue, et rechercher les raisons qui ont amenés les intervenants précédents à faire telle ou telle chose.

Musée picasso et jardin thorigny 07 06 16Le jardin Thorigny, sur le flanc de l'Hôtel Salé, musée Picasso (Photo PR)

Il est certain que les jardins de Paris, petits ou grands, s’inscrivent chacun dans des situations qui leur sont propres et qu’ils ont un rôle d'accompagnement de l'architecture. J’ai été frappé de constater, à cet égard, qu’il n’y avait aucune vue en perspective du futur jardin dans le projet de la Ville de Paris. On ne peut pas visualiser l’impact sur le paysage urbain de cette transformation, ce qui est regrettable pour un endroit si sensible.

Je me permettrais aussi de suggérer, de façon plus accessoire, que pour une meilleure conformité avec l'esprit du Marais, il serait nécessaire de remplacer le « bouquet végétal » au croisement des rues de la Perle et de Thorigny. Il y a là une profusion inconsidérée d'arbres de sapin et de taillis qui n'assurent en rien une quelconque complémentarité avec la présence des érables, d'autant qu'ils brouillent la vue sur la perspective des érables et du grand mur de l'hôtel.

LCT : La ville de Paris dit que c’est l’obligation de rendre accessible le jardin aux personnes à mobilité réduite qui condamne les arbres. Qu’en pensez-vous ?

MH : Les réponses données à cette obligation sont éminemment politiques, dans le sens noble du terme. Ouvrir le jardin n’impose pas nécessairement de couper les arbres. Si la ville souhaite les garder, il ne manquera pas, j’en suis sûr, d’hommes de l’art capables d’imaginer les solutions techniques répondant à cette contrainte.

LCT : Merci beaucoup pour toutes ces informations intéressantes et utiles. En conclusion, si c’était à refaire, modifieriez-vous quelque chose à votre projet initial ?

MA : La seule chose que je regrette, c’est de ne pas avoir pu faire une architecture plus contemporaine. A l’époque, les conditions n’étaient pas réunies pour oser cela. Mais, en matière d’architecture,  comme dans la vie, il faut souvent trouver des compromis.

Le collectif Thorigny

 

 


Commentaires

8 réponses à “L’architecte de la résidence « La Perle » s’exprime sur le projet d’abattage des arbres du jardin Thorigny (IIIe)”
  1. Avatar de Renato

    Apres le massacre des tilleuls des Halles pour permettre l’agrandissement du centre commercial Unibail, on veut maintenant passer à l’abattage des érables de Thorigny.
    J’espère que le maire avisé du 3eme saura mettre tout son poids pour faire changer ce projet absurde. Qui peut croire que l’on ne peut pas imaginer un aménagement qui sauve les arbres et permette le passage des personnes à mobilité réduite ? C’est grotesque.
    Alors de grâce Monsieur Aidenbaum faites reculer cette écologie révoltante du bobo, du shopping, de l’oisif subventionné, du scooter cool. Pensez que les usagers du jardin seront bien contents d’admirer les érables plutôt que des arbustes insipides.

  2. Avatar de Adrien

    Personnellement, je trouve cette résidence très laide. Du coup j’ai été un peu supris – mais sans doute suis-je très naïf – de lire que cet architecte ne manifestait pas vraiment de regrets.
    En tous les cas, non à l’abattage des arbres !

  3. Avatar de Peter

    NON à l’abattage des arbres!

  4. Avatar de Pierrot
    Pierrot

    Je voyage beaucoup en Europe et un constat s’impose :
    * Paris manque sérieusement d’arbres par rapport à la plupart des villes européennes ;
    * Lorsque quelquefois y a des arbres, ceux-ci sont extrêmement mal plantés et se développent mal. N’y a-t-il pas des jardiniers sérieux qui pourraient se charger des plantations ??
    D’une manière générale, la municipalité en place semble très peu se soucier des espaces verts : cf. sa complicité dans la destruction des Serres d’Auteuil

  5. Avatar de Catherine
    Catherine

    La Cour des Comptes a rendu publique un rapport concernant la gestion de l’aménagement du territoire par la Région IDF et son agence spécialisée, déplorant le fait que nous soyons très loin des objectifs initiaux, et que nous soyons en carence d’espaces verts, de promenade, de loisir dans 18 des 20 arrondissements parisiens entre autre:
    https://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/La-politique-en-matiere-d-espaces-verts-de-forets-et-des-promenades-en-Ile-de-France
    Et c’est vrai qu’on étouffe ici, tant il est vrai que les quelques très jolis parcs accessibles du quartier sont très vite pleins en raison l’affluence touristique .
    Alors, arrêtons de densifier, ce n’est plus possible! à quoi sert de concentrer tout le monde au même endroit, et de laisser les transports en communs saturés comme ils le sont?
    Déconcentrons, même si ça va a contre courant de la doxa actuelle : il faut savoir sortir du prêt à penser, et arrêter de rendre les gens fous de bruit, de promiscuité et de béton!
    Et si en plus on coupe les quelques arbres qui nous restent,pour faire « nouveau » c’est qu’on marche sur la tête

  6. Avatar de Jean François Bayart
    Jean François Bayart

    Et pour mémoire les travaux du musée Picasso – notamment la construction de l’aile technique sans apparemment de permis ex ante – a provoqué l’abattage subreptice du plus bel arbre du quartier , opportunément découvert « malade »

  7.  »La seule chose que je regrette, c’est de ne pas avoir pu faire une architecture plus contemporaine. »
    Dans le quartier historique du Marais ?
    Ouf ! On comprend donc que ca pouvait être encore pire ….

  8. Avatar de Colette Morichard
    Colette Morichard

    Un « haïku » à l’intention de Michel Autheman:
    « Compromis, dites-vous.
    Lequel pouvez-vous faire
    pour sauver ces érables?
    Merci d’y répondre
    Colette

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