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Chronique de la vie au cœur et autour du centre historique de Paris

Catégorie : Economie

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    Dominique Strauss-Kahn

     

    Je me suis hasardé dans un article sur ce blog le 15 avril à dire ce que je pense des conséquences de l'ouverture massive des vannes financières par les Etats et notamment la France pour faire face à l'effondrement de notre économie suite à la pandémie.

    La revue "Politique Internationale" dirigée par Patrick Wejsman en a eu connaissance et nous signale que son n° 167 – "Printemps 2020" – traite ce dossier sous la signature de Dominique Strauss-Khan.

    La lecture de sa tribune exige beaucoup plus d'attention qu'il vous en a fallu pour me lire, et quelques compétences générales en matière d 'économie mais une fois la tâche accomplie on doit reconnaitre qu'il s'agit d'une analyse qui ne laisse rien dans l'ombre.

    "Politique Internationale" nous autorise à le publier. La période de confinement permet à bon nombre d'entre nous de consacrer une heure environ à s'informer en profondeur sur ce sujet d'actualité brûlante. Voici en introduction ce qu'en dit Patrick Wajsman.

    Gérard Simonet

     

    Par rapport au drame que vit notre pays, les analyses les plus brillantes semblent soudainement assez lointaines. notre rédaction a souhaité, néanmoins, ne pas vous priver de ce numéro de printemps — et cela, malgré les nombreuses difficultés techniques (impression, routage…) dues au confinement. sur tous les sujets majeurs de l’actualité, nos lecteurs retrouveront dans ces pages (et sur notre site) les décryptages et les témoignages des grands experts et acteurs de la vie internationale. avec, comme à l’accoutumée, des signatures prestigieuses  : Tony Blair, Josep Borrell, le général David Petraeus, Dominique Strauss-Kahn… À cet égard, nous sommes heureux que DSK, en tant qu’ancien patron du FMI, ait choisi notre revue pour offrir au public, en avant-première, sa vision de la crise et de ses conséquences. telle est bien, en effet, l’interrogation essentielle : à quoi le « monde d’après » ressemblera-t-il ?   

    Une exclusivité Politique Internationale : voici, en avant-première, l’article que Dominique Strauss-Kahn vient de consacrer à la crise actuelle et à ses conséquences.

    Patrick Wajsman

     

     

    Le 5 avril 2020
    par Dominique Strauss-Kahn

    Ancien Ministre de l’Economie et des Finances,
    Ancien Directeur-général du Fonds Monétaire International

     

    La crise sanitaire que nous vivons est différente de toutes celles que les générations précédentes ont pu connaître. Les convocations de la grande peste noire de 1348 ou de la grippe espagnole de 1918-1919 sont intéressantes en ce qu’elles nous permettent de repenser les conséquences des pandémies. Mais elles ne disent rien, pour autant, de la capacité de résilience d’une société dont l’économie est mondialement intégrée, et qui avait perdu presque toute mémoire du risque infectieux.

    Si la crise actuelle est de prime abord différente, ce serait par la vitesse de propagation de cette maladie. Trois mois après le début de la crise sanitaire, près de la moitié de la population de la planète est appelée au confinement. Même si la contagiosité du virus a vraisemblablement joué un rôle dans ce basculement, du stade épidémique à celui de pandémie, la mondialisation marquée par l’accélération de la circulation des personnes est au cœur du processus de propagation (1). Le délai de réaction des pays développés, dont les systèmes de santé ont été rapidement submergés, doit sans doute être également incriminée.

    (suite…)

  • Euro

    L'Euro, socle économique de l'Europe

     

     

    Je n'ai pas pour propos de me substituer aux commentateurs de la presse économique qui se livrent avec compétence à une analyse tout azimut de la crise sans précédent dans laquelle nous sommes entrés.

    Je cède simplement à l'envie de publier un message qui porte une dose d'espoir dans le tumulte des oiseaux de mauvais augure qui nous annoncent l'apocalypse.

    Je simplifie à dessein les données du problème, en les requalifiant. En commençant par le déficit public. Il tournait autour de 3% du PIB. La référence n'a pas de sens, à l'image de "l'âge du capitaine" (*). Ce déficit est la différence entre les recettes et les dépenses de l'État mais on le rapporte à une grandeur qui lui est étrangère. Si on le rapportait aux recettes on trouverait qu'il est de l'ordre de 25 %  ! On le cache pudiquement. Qui imagine une entreprise ou un ménage dont le déficit serait de cet ordre ?

    Les mesures qui viennent d'être annoncées vont pourtant le porter à 9 % du PIB. Trois fois plus élevé ! C'est dire que notre déficit, de préoccupant qu'il était, va devenir abyssal. 

    Un déficit budgétaire souverain se finance par l'emprunt et/ou la planche à billets. A ce propos, il y a des voix qui s'élèvent pour recommander que la dette des Etats pauvres soit effacée. C'est généreux et du point de vue des prêteurs le geste est possible car il est vraisemblable que les créances aient été provisionnée à 100 %. Il ne coûte donc rien aux prêteurs de les passer en pertes et profits. Mais qui va désormais prêter à des Etats vulnérables et incapables d'honorer leurs engagements pour combler des déficits courants et à venir ?

    Reste la planche à billets c'est-à-dire l'inflation. Les déboires du Venezuela nous enseignent à quel point elle peut être désastreuse. Par comparaison, la situation de la Grèce qui s'est engagée dans la voie de l'effort et s'est remarquablement redressée, fait figure d'exemple. 

     WeimarDérive du Mark papier entre 1918 et 1923 (ordonnées logarithmiques) : dépréciation de 100.000 Milliards pour cent !

     

    La France est-elle menacée du spectre de la République de Weimar des années 1920-23 ? Elle le serait si nous avions encore le Franc. Mais nous sommes aujourd'hui dans l'Euro.

    La zone Euro a été créée en 1999 par 11 pays. Elle en compte 19 à présent, avec 340 millions d'habitants, pour un PIB total de 11 886 Milliards d'euros, derrière les USA qui affichent 19 000 milliards d'€, mais à égalité avec la Chine et ses 12 000 Milliards d'€ (ordres de grandeur).

    Contrairement aux USA qui connaissent un déficit budgétaire permanent et ont impunément recours à la planche à billets grâce au caractère de monnaie de réserve du dollar, la zone Euro est vertueuse. Elle a ses mauvais élèves (dont la France) mais de nombreux pays affichent des excédents budgétaires : l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas, le Luxembourg, Malte et, de façon surprenante, l'Irlande et la Grèce… D'autres pays sont proches de l'équilibre. C'est le cas de la Belgique, de la Finlande et des Pays Baltes. 

    Forte de son appartenance à un ensemble économique de cette importance, dont les échanges sont globalement équilibrés, la France peut financer par l'emprunt le déficit colossal qui se prépare chez elle. Deux mécanismes sont à sa disposition : l'emprunt direct sur les marchés financiers sur la base de taux de marché et le recours à la Banque Centrale Européenne pour une ligne de crédits mutualisés avec l'ensemble des pays de la zone Euro. Les taux d'intérêt sont alors voisins de zéro. 

    Il est clair que le second de ces mécanismes nous est le plus favorable. Mais il est tout aussi clair que les pays vertueux, qui ont fait depuis longtemps des efforts pour être à l'équilibre, n'ont pas particulièrement envie de voler au secours de la cigale que nous sommes. Il n'est pas très glorieux non plus pour notre réputation que nous donnions l'image d'une nation qui doit être soutenue par ses pairs. C'est  pourtant ce qui est demandé quand les dirigeants français évoquent à ce sujet la solidarité européenne.

    Je suis persuadé qu'ils parviendront à obtenir de leurs partenaires, l'Allemagne en tête, des droits de tirage directs auprès de la BCE pour qu'ils évitent la sanction des marchés. Les partenaires diront : "c'est bon pour cette fois car il y a le coronavirus, mais veillez à améliorer votre gestion car la fois prochaine ce sera NON".

    La dette de la France, mutualisée avec celles des autres membres de l'Euro, ne sera jamais remboursée mais jamais annulée non plus. Les intérêts seront payés. De ce point de vue, la force de l'Euro lui confèrera un statut comparable à celui du dollar. On ne doit pas s'attendre non plus à des effets inflationnistes sensibles car la situation des économies ne les y prédispose pas et l'Euro est géré par une banque centrale dont l'objectif premier est de prévenir les dérives inflationnistes. 

    Je disais que ces constatations à propos de la France ne sont pas flatteuses. Je vais prendre sa défense. D'abord nous sommes le plus beau pays du monde, affirmation qui s'appuie sur le nombre record de visiteurs qui viennent chez nous et en particulier à Paris. Il n'est pas injuste qu'en contrepartie du bonheur que nous leur procurons ils contribuent à notre bien-être !

    Plus sérieusement, la France est le seul pays de la zone Euro à entretenir une armée importante et un armement de dissuasion nucléaire. Elle est engagée dans des actions militaires extérieures sur des théâtres qui alimentent le terrorisme. Il s'agit de dépenses considérables que nous sommes seuls à assumer et qui contribuent pourtant à la sécurité de nos partenaires. La logique voudrait que ces dépenses soient elles aussi "mutualisées". Notre gestion paraitrait de ce fait moins hasardeuse.

    Mettons à profit notre confinement et l'oisiveté qui s'en suit pour échanger sur le sujet à travers la rubrique "commentaires".

    Gérard Simonet

     

     

    (*) Référence à ce problème posé ainsi, de façon inintelligible : étant donné la longueur d'un bateau, sa largeur, son tirant d'eau, son tonnage brut et net, la puissance du moteur et le nombre d'hélices, déterminer l'âge du capitaine.