Vivre le Marais, Vivre Paris Centre !

Chronique de la vie au cœur et autour du centre historique de Paris

Étiquette : tagueurs

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    Crue seine 03 02 21Sous le quai de l'Hôtel de Ville, la Seine recouvre l'ancienne voie Georges Pompidou à hauteur du Pont Marie

     

    Hôtel vigny 04 02 21La restauration de l'Hôtel de Vigny, 10 rue du Parc Royal (IIIe), s'achève après cinq années d'attente. Il abritera désormais le siège des Thés Mariage Frères. Il reste à le débarrasser sous un enduit approprié, des souillures qui rendent le décor exécrable en l'état (Photo VlM. Clic gauche pour agrandir)

     

     

    Nos reportages sur le fléau des tags nous vaut un billet d'un lecteur qui en éprouve du dégoût et de l'amertume. Il se déclare "triste face à ce combat sans fin, triste pour Paris, triste pour ceux qui y vivent", et l'exprime à la manière d'un essayiste qui se penche sur ce phénomène de société :

     

    On cherche un Nestor Burma (*)

    A l’heure où l’on s’apprête à repeindre à grand frais la Tour Eiffel, cette explosion de graphes immondes semble nous venir de lutins maléfiques, invisibles, impalpables, mais capables à eux seuls d’anéantir le charme de notre ville capitale. C’est eux, évidemment, qu’il faut saisir, car on ne peut plus se satisfaire d’une stratégie pourtant bien raisonnée, et pacifique, consistant à effacer sans attendre les « œuvres » scélérates. Il n’est en effet pas certain que leurs auteurs tiennent tant que cela à la pérennité desdites œuvres. Tout laisse à penser, au contraire, que le but recherché est ce harcèlement qui nous ronge, qui ronge Paris et ceux qui l’aiment. On nous « amuse », on nous fatigue comme fait le chat avec la souris avant de la croquer.

    Je pense qu’il nous faut un Nestor Burma à l’ancienne. Plutôt qu’un système de télésurveillance lourd et coûteux, paradoxalement aveugle, un détective intelligent et pugnace, mobile, capable de remonter à la source après s’être simplement… pointé au coin d’une rue à une heure propice. Il pourra s’adjoindre, par exemple, un expert en graphologie. Car, au-delà du style nouille de ces graphes, renvoyant à un alphabet et à une « culture » sur lesquels nous restons mal renseignés (un comble, sachant le nombre des années écoulées depuis que tout cela dure !), on peut discerner d’une rue à l’autre un coup de patte, une « façon » qui laisse penser que l’on a affaire à un nombre restreint d’individus, peut-être à un seul sur tout un secteur.

    Un seul individu, mais assurément aussi un réseau, une « culture » disais-je, une secte ?  Outre la pollution que nous déplorons, qui n’est sans doute qu’un dérivatif assumé, il est irritant, dérangeant, de ne pouvoir jamais interpréter les messages derrière cette graphie pourtant aussi normative que l’écriture carolingienne, ou caroline, qui reste la nôtre. Celle-ci avait été conçue pour être lue par tous, celle-là paraît ne s’adresser qu’à ce peuple de lutins (le mot est trop tendre) hantant la troposphère de nos villes et, je l’atteste, de nos campagnes. Ne devons-nous pas frémir devant le discours caché de ces messages cryptés ? Qu’annoncent-ils ?

    Un beau défi en tout cas, un beau boulot pour notre Burma ! Mais il aura droit à sa statue au square du Temple, comme Maigret à Delfzijl (** ).

    Philippe Haeringer

     

    (*) Détective privé, créé en 1942 par Léo Malet. "On peut le considérer comme le premier détective privé de la littérature policière …

    (**) Depuis 1966 une statue de Maigret, réalisée par le sculpteur Pieter d'Hont, se trouve à Delfzijl (Pays Bas), puisque Georges Simenon a prétendu qu'il avait écrit son premier roman de la série Maigret ici.

    Le roman mettant en scène Maigret « Un crime en Hollande » s'y déroule.

    Source Wikipédia

     

    Postscriptum :

    Nous avons communiqué cet article avec un commentaire à Colombe Brossel, Maire-adjointe de Paris en charge de la propreté et de l'eau, en insistant sur l'urgence et le caractère critique de la situation. Elle nous répond en ces termes :

     

    Bonjour et merci pour votre message.

    Promis, je reviendrai vers vous sur les responsables de propreté à l’échelle du quartier

    Sur l’enlèvement des graffs, je suis preneuse d’éléments plus circonstanciés (nombre, signalements, traitement… si vous avez) car la DPE (direction de la propreté et de l'eau – NDLR) a repris en main ce chantier, en lien évidemment avec les prestataires, et globalement les délais de réponses mais également le traitement territorialisé et non graff par graff semble commencer à porter ses fruits.

    Je suis donc preneuse de vos retours afin de continuer à améliorer la propreté de l’espace public, notamment sur ce sujet.
    Bien cordialement

    Colombe Brossel

    Maire-adjointe de Paris

     

  • Bretagne devanture subway taguée
    Vitrine en trompe-l'oeil rue de Bretagne, en juin 2011, sur un mur qui appartient à la Mairie de Paris. La véritable devanture de Subway est à l'angle, au 29 rue Debelleyme (IIIe).

     

    Nous lui avons consacré un article en date du 7 juin 2011. Subway avait cru bon, en ouvrant sa boutique de restauration rapide d'inspiration anglo-saxonne, de supprimer un trompe-l'oeil qui représentait un bistrot ancien, dont on a gardé la nostalgie.

      Bretagne devanture café ancien
    Le décor ancien, avant 2009

     

    Mal lui en a pris. Les vandales-tagueurs se sont rués sur le nouveau décor pour en faire un dépotoir visuel. Cet été, le commerce a changé de mains. Il est dirigé aujourd'hui par deux associés qui témoignent d'une volonté évidente de soigner leur image. Ils manifestent un désarroi profond face à la situation.

    Régulièrement, ils font appel au service de nettoyage des tags de la Mairie de Paris    (0 800 004 626), la société "HTP Graffiti". Ces professionnels repeignent les panneaux latéraux mais déclarent n'avoir pas le droit de toucher à la partie centrale car il s'agit, selon eux, d'une création artistique qui appartient à son auteur.

    On se croit à Clochemerle, mais ce n'est pas tout : un quidam s'est présenté aux gérants et leur a demandé l'autorisation de peindre une oeuvre de son cru. N'ayant aucun droit sur ce mur, ils se sont défaussés. L'artiste, émule sans doute de Jean-Michel Basquiat, s'est alors installé et, dans l'indiférence totale et en plein jour, sans autorisation et sans que le moindre agent de la mairie ou de la police intervienne, il a commis cette oeuvre que tout un chacun peut admirer en ce début du mois de septembre.

    Bretagne subway déco septembre 2011
    Le nouveau décor de septembre 2011

     

    Pas terrible, chacun en conviendra, comme le reconnaissent les deux gérants, un brin penauds ! N'ayant pas réussi à intéresser la mairie du IIIe à leur problème d'identité visuelle, ils nous ont interrogés ce matin : "dites nous ce que nous pouvons faire !"

    Nous leur avons suggéré de rétablir le décor d'origine. Il plaisait à tout le monde et, comme on peut le constater sur la photo, les tagueurs, peut-être pas si vandales et béotiens qu'on pourrait le croire, l'avaient épargné.

    Quant à la Mairie de Paris, il faut qu'elle prenne enfin conscience que ces dégradations qui frappent les façades, le mobilier urbain, les devantures de magasins et autres surfaces qui sont notre cadre de vie, appellent un traitement à la base qui doit compléter la politique indispensable de nettoyage qui est en oeuvre aujourd'hui.

    Il suffit de faire un tour rapide dans les quartiers du Marais pour constater que les vacances ont été fatales au paysage de la rue et que l'entreprise de nettoyage des tags, loin de rattraper un retard qu'elle a pris au changement de prestataire, l'a vu s'aggraver.

    Bertrand Delanoë ne parait pas prendre ce problème suffisamment au sérieux. En attendant qu'une stratégie de traitement à la base soit décidée et porte ses fruits, nous insistons pour dire qu'il faut accentuer les moyens d'intervention. Si le taux d'éradication des graffiti est plus faible que leur renouvellement, nous allons tout droit vers une ville sinistrée où les habitants n'auront plus qu'à pleurer sur la saleté de leurs immeubles, les commerçants sur leurs vitrines défigurées. Quant aux visiteurs de la ville la plus fréquentée au monde, il y a fort à parier que leur jugement sur l'état de propreté de notre capitale, déjà médiocre, ne sera pas à l'honneur des gestionnaires de la Ville.

    Il ne s'agit pas de majorer nos impôts locaux, déjà sollicités au-delà du raisonnable ces deux dernières années. La Mairie de Paris accorde plusieurs centaines de millions d'€ chaque année aux associations, sans réel souci de leur efficacité. Qu'elle fasse la chasse aux subventions inutiles ou inappropriées en affectant les économies au renforcement de la lutte pour la préservation du cadre de vie. Il suffirait de 2% sur 250 Millions d'€, pour dégager 5 Millions d'€ supplémentaires (source : fichier des subventions de la Ville pour 2004 ; c'est l'année où le document est le plus lisible et fournit un total. Notez que 50 autres millions d'€ sont versés par le "département" de Paris)  Accéder au fichier

    Partant d'un constat local, on en arrive à des choses plus graves. Nous sommes à la veille d'une année difficile où il faudra choisir ceux qui seront appelés à nous gouverner pour cinq ans, dans un environnement économique et social dont il n'échappe à personne qu'il est menaçant. Dans ce contexte, tous les gestes, y compris ceux de nos édiles municipales, parce qu'elles sont représentatives d'un courant politique, seront regardés et évalués à la loupe.