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Hôtel Lambert, île Saint-Louis : raison d’état et sauvegarde du patrimoine s’affrontent

Hotel lambert vue de la seine 

L'hôtel Lambert, 2 rue Saint-Louis en l'île (IVe), vu depuis la Seine 

 

L'Emir du Qatar a acheté au baron Guy de  Rothschild cette somptueuse résidence en 2007. Dans son numéro daté du 19 décembre, le quotidien "Le Monde", sous la plume de Florence Evin, décrit la tempête que déclenche ses projets d'aménagement (création d'ascenseurs, de salles de bains, d'un parking souterain, équipements de climatisation …) dans un bâtiment qui est un chef-d'oeuvre intégral et suggère un respect absolu.

Nous vous engageons à le lire : "Le Monde", 19 décembre 2008

Nous sommes ici en dehors du périmètre du Marais, tel qu'il est défini dans le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), mais le processus de révision qui a été engagé en 2007 prévoit d'en étudier l'extension à l'île Saint-Louis, de façon à protéger les intérieurs qui sont globalement vulnérables dans l'état actuel des choses.

Ceci dit, Marais ou pas, ce joyau de l'architecture parisienne, "le plus bel hôtel particulier de Paris" ne peut laisser personne indifférent.

Sans vouloir, ce qui serait démagogique, réduire l'affaire à un combat de l'argent contre la vertu, on comprendrait mal que le nouveau propriétaire s'affranchisse d'une obligation de conservation qui a été respectée par ses prédécesseurs qui nous ont transmis le patrimoine dans son état initial. Idéalement, cet hôtel du XVIIe devrait être un musée, propriété de l'Etat, qui en assurerait la conservation. Mais l'Etat n'a pas d'argent. Il y a longtemps d'ailleurs qu'il n'en a plus et qu'il fait marcher une planche à billets qui est usée jusqu'à la corde.

S'en remettre à un mécène, dans ces conditions, n'est pas forcément une idée saugrenue. A la condition que ce mécène respecte le patrimoine qui a été remis entre ses mains. Il n'est pas possible de transformer sans précautions un immeuble classé sans l'endommager. Cet hôtel du XVIIème possède des éléments architecturaux et décoratifs, inspirés d'Andrea Palladio (renaissance italienne) dont on possède peu d'exemplaires en France, qui ne doivent pas subir d'outrages au nom du confort des occupants. Le contrôle des travaux par un ACMH (architecte en chef des monuments historiques), Alain-Charles Perrot dans le cas présent, quelle que soit sa compétence et ses scrupules, n'est pas une garantie absolue. N'est-il pas condamné à accepter des compromis ?  (*).

Le conseil de quartier concerné déclare un peu candidement sur le journal diffusé par la mairie du IVe  "qu'un coup de baguette magique est donné sur l'hôtel" et s'inquiète que la création du parking souterrain soit retardée par les services de l'urbanisme, pendant que la Commission du Vieux Paris s'insurge et demande le blocage des travaux.

On ne sait pas ce qu'en pense la Maire du IVe, Dominique Bertinotti, qui juge sans doute prudent de ne pas se manifester. Comme les riverains de l'île Saint-Louis, elle a été invitée l'été dernier par les nouveaux propriétaires et peut-être est-elle partie enchantée de sa visite et des explications qui lui ont été données ? Au cabinet de la Ministre Christine Albanel, on marche sur des oeufs.

Enfin, on apprenait hier soir que le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, dans une lettre datée du 23 décembre, adressée à la Ministre Christine Albanel lui notifiait son refus d'approuver les travaux de voirie pour la réalisation du parking et demandait que l'ensemble du dossier soit "reconsidéré" à la lumière de l'émotion qu'il suscite.

 

(*) l'ACMH est un architecte privé, choisi sur concours, qui assure la maitrise d'oeuvre des travaux de restauration des monuments historiques. Il est juge et partie du bien fondé, de la nature et des coûts des travaux qu'il estime nécessaires. Sa rémunération est pour l'essentiel composée des honoraires qu'il perçoit sur le montant de travaux. Dans son rapport pour 2005, la Cour des Comptes exprimait des réserves sur cette forme de privilège. Le rôle et le statut des ACMH sont en cours de révision pour assurer leur libre intervention à l'intérieur de l'espace communautaire européen.


 

mots-clés : sauvegarde paris historique, hôtel Lambert, PSMV, île Saint-Louis, commission vieux paris

                                                                                                                        


Commentaires

5 réponses à “Hôtel Lambert, île Saint-Louis : raison d’état et sauvegarde du patrimoine s’affrontent”
  1. J’ai moi aussi été impressionné par cet article du journal Le Monde. Merci pour votre intérêt pour ce patrimoine, certes situé hors du Marais, mais qui participe de la même unité historique. Je compte bientôt moi écrire un article sur la question sur L’Indépendant du 4e. Vous m’avez devancé mais tant mieux. Bravo pour votre vigilance et votre réactivité.

  2. Vous avez été en fait le premier de nous deux à réagir. J’attends avec intérêt votre contribution à ce dossier exemplaire. Je vois avec bonheur que la population parisienne et singulièrement celle du Marais se mobilise très fortement sur tout ce qui touche au patrimoine. Nous avons sans doute un peu contribué à développer cette sensibilité et ce n’est pas la moindre de nos satisfactions.
    Gérard Simonet

  3. On peut lire dans l’édition du Parisien d’aujourd’hui (page III du cahier central) un point intéressant sur la question. Comme je l’avais annoncé je viens de faire paraître sur L’Indépendant du 4e mon article consacré à propos de la polémique suscité par la restauration de cet Hôtel.

  4. Vous nous alertez aujourd’hui sur l’avenir de l’hôtel Lambert de l’Ile Saint-Louis. J’avais déjà lu avec attention le reportage du journal Le Monde, mais aussi les Echos de ce jour.
    Tandis que le Louvre s’exporte vers le Golfe, les bonnes familles du Golfe viennent à nous. C’est un peu troublant, bien que l’Orient et l’Occident se soient toujours nourris l’un de l’autre. Il faudrait en savoir plus sur le détail des aménagements prévus (ou consentis) par l’architecte. Sachant qu’un hôtel à défaut de pouvoir devenir musée doit être habité, et qu’il l’a été de diverses façons depuis plus de trois siècles ; sachant qu’il fut réhabilité par un prince polonais au 19e siècle après avoir été transformé en pensionnat sous la Révolution ; sachant qu’il fut découpé au 20e siècle en appartements de luxe, qu’il comporte déjà trois ascenseurs, douze salles de bain et une piscine ; sachant qu’il n’a jamais été ouvert au public et que nous n’en serons donc pas davantage privés ; sachant enfin que toutes les instances ad hoc sont mobilisées, je suis tenté par deux conclusions :
    ajoutons certes notre voix à celles qui s’inquiètent et veulent savoir si des outrances iconoclastes risquent d’être commises ; mais relativisons d’autres outrances qui guettent, celles du débat politique qui semble s’organiser autour de cette affaire.
    Cela dit, l’esthétique du confort milliardaire qui s’exprime dans la sphère pétrolière ou post-pétrolière semble en effet incompatible avec la grâce d’un hôtel parisien du 17e siècle, et plus encore avec la culture historique très pointue des défenseurs de notre patrimoine. Il y a de quoi frémir. La geste khadafienne de l’an passé à Paris, heureusement nomade, pourrait-elle se transposer dans la pierre et les lambris ? La démarche qatari serait-elle de même nature ? On peut croire que non, car le classement de l’immeuble et les contraintes que cela suppose sont constitutifs de la transaction, voire de la séduction qui a conduit à celle-ci. Au pire on peut faire le pari que l’Administration française, épaulée par l’opinion des milieux avertis, sera plus forte que la dette financière et diplomatique de la France à l’égard du Qatar. Affaire à suivre avec vigilance !
    23/12/2008

  5. Pierre Housieaux, Président de l’association de sauvegarde du Paris Historique, nous demande de diffuser la lettre ouverte qu’il vient d’adresser à la ministre Christine Albanel :
    Lettre ouverte à Madame Christine ALBANEL, Ministre de la Culture, au sujet de projet de rénovation de l’hôtel Lambert dans le IVe arrondissement de Paris.
    Madame la Ministre,
    La Commission du Vieux Paris, dont je suis membre, vient d’émettre unanimement un vœu de protestations vigoureuses contre les travaux d’aménagement prévus à l’hôtel Lambert de Le Vau, classé monument historique, et auquel ont collaboré les plus grands artistes du temps, comme Le Brun ou Le Sueur. Il est aussi le seul hôtel particulier de la fin du règne de Louis XIII qui nous soit parvenu pratiquement intact.
    Je ne vous ferai évidemment pas l’affront de continuer la description de ce monument exceptionnel. Qui mieux que vous serait à même d’en juger ? Vos actions et engagements antérieurs sur le domaine de Versailles, notamment, sont là pour témoigner de votre érudition et de votre attachement sans réserve à notre patrimoine culturel.
    La raison d’Etat quelquefois invoquée pour dénaturer ce patrimoine international vous imposerait-elle de faire fi de toute la règlementation en matière d’urbanisme et de monuments historiques et d’autoriser aussi facilement cet acte de vandalisme ?
    Mais de quelle raison d’Etat s’agit-il ?
    Celle qui autoriserait notre gouvernement à devenir hors la loi, ou celle qui permettrait à un chef d’Etat étranger de détruire impunément et IRREMEDIABLEMENT un site dont la valeur architecturale et historique dépasse très largement nos frontières ?
    N’y aurait-il pas une autre alternative, plus digne, qui consiste à réagir très vivement contre ce projet fou, assimilable à la pire des opérations immobilières qu’on aurait pourtant cru là, INIMAGINABLE…
    Les experts de la Commission du Vieux Paris s’élèvent de façon véhémente :
    « – contre l’ampleur et la radicalité des interventions prévues, liées à la mise en œuvre d’un programme beaucoup trop chargé, abritant des dizaines de chambres dotées de tous les accessoires du confort, tels qu’ascenseurs, climatisation et salles de bains en nombre égal à celui des chambres, aboutissant au sacrifice des distributions anciennes et de certains dispositifs architecturaux originels, entraînant le percement de trémies dans les planchers et de saignées dans toutes les maçonneries, au risque d’endommager les décors et les structures ;
    « – contre la dépose de toutes les menuiseries extérieures (datant du XVIIe au XXe siècle) ;
    « – contre la réalisation de vastes locaux techniques sous la cour et le jardin, en particulier d’un parking dont la sortie sur le quai d’Anjou affectera par sa porte et par le rehaussement du mur d’enceinte, le soubassement des immeubles du quai, site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO ».
    Je soutiens cette protestation unanime sans réserve à l’instar des milliers de Parisiens et de citoyens médusés par tant d’incongruité et d’impudeur et prêts à se mobiliser pour empêcher cela.
    Madame la Ministre, je vous ai rencontrée personnellement et à votre demande, alors que vous meniez campagne pour les élections municipales parisiennes. Je ne crois pas me tromper en affirmant que vous êtes de celles et de ceux qui nous soutiennent dans nos engagements et nos actions pour la préservation de ce patrimoine, si cher à tous les gens dont la raison et le cœur réservent une place, dans cet héritage inaltérable, à une part de leur identité …
    Madame la Ministre, encore une fois, ne laissez pas disparaître ce joyau ! L’écrin dans lequel il est inscrit ne peut en aucun cas servir à abriter un vulgaire bâtiment réduit à un simple espace de confort et de gadgets éphémères. Et laissez au moins, comme le prévoit la législation, la commission supérieure des monuments historiques, et les experts reconnus qui la composent, donner leur avis librement et sereinement.
    Nous comptons sur vous, prêts à vous rencontrer…
    Avec tout notre respect.
    Pierre HOUSIEAUX
    Chevalier des Arts et Lettres
    Chevalier des Palmes académiques

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